mardi 1 juillet 2008

Pages d'Amitié (livre pour les vacances)


Le plus souvent, l'Amitié naît entre deux garçons, ou deux filles; mais il en existe aussi d'authentiques, entre un garçon et une fille, d'autant plus belles qu'elles sont rares. C'est en grande partie sur ce thème que repose le très beau roman Le Piège des Cinquantièmes hurlants, d'A. Vachon (coll. Défi n° 20, éd. Téqui, 2003).

[Maïko est un jeune Sud-Africain (blanc...), orphelin, et (très bien) élevé par sa tante. Il est aussi scout, C.P. de la Patrouille libre des Impalas. Ces jours-ci, ils accueillent justement un nouveau, Marc, un Français de 16 ans, que le C.P., garçon plutôt farouche par ailleurs, surnomme aussitôt Frenchy, ce qui dans sa bouche est tout sauf un compliment...]

D'un geste brusque, Maïko ouvre la porte de sa chambre et va s'asseoir dans son fauteuil favori.
- Je suis sûr qu'il [Marc] va me porter la poisse !
Songeur, il contemple le poème agrafé au mur de sa chambre.
- Ce qui vient de France ne m'a jamais réussi !
Il l'a écrit autrefois quand son amie Sylvie, une Française, était repartie dans son pays. Avec elle, se sont envolés ses plus beaux souvenirs et ses dernières illusions sur le monde avec lequel il lutte seul depuis la mort de ses parents. Bien sûr, sa bonne tante a toujours veillé sur lui. Mais comment aurait-elle pu compenser une telle amitié, une telle complicité ?
- Voilà ce que c'est que de s'attacher ! Cela fait trop mal de perdre ceux à qui l'on tient.
Il se lève et, les larmes aux yeux, va relire les quelques lignes mille fois parcourues.
Elles expriment si bien la tristesse infinie qui l'avait envahi lors du départ de sa meilleure amie. Il y a de cela deux ans, mais la douleur semble du matin même.
Il lit à haute voix :
- Au milieu de cette foule, je me sens parfois plus seul qu'un arbre dans la lande. Mes larmes ne peuvent retenir ton image qui peu à peu me quitte. Au fond de moi, je pense encore à nous, et ma mémoire forme et déforme ce qui me reste de toi. Plus seul qu'au premier jour, je suis ce fou à qui l'amitié allait si bien.
Il sourit :
- Qu'importe mon style naïf ! Ce sont les mots les plus justes !
[...]
- Ce Marc a l'air sympa. Peut-être en ferai-je un ami ?... et puis non, l'amitié fait trop mal.

[Les Impalas vont partir en Australie pour un Camp d'été, aidés par les pouvoirs publics en récompense de leur action sociale. Maïko leur a annoncé la nouvelle. Lors d'une réunion avant le départ, Marc et lui viennent à parler de la France...]
Sans que rien le laisse prévoir, Maiko bondit par la fenêtre ouverte en s'écriant :
- Je pense que l'Afrique du Sud est le plus beau pays du monde et que ses habitants sont fidèles, eux !
Le C.P. s'éloigne. Sur ses joues coulent quelques larmes que personne ne peut voir.
[Face à l'étonnement de Marc :] - Maiko n'est plus le même depuis deux ans. Un beau jour, après une longue absence, nous l'avons retrouvé tout triste et depuis plus rien n'a été pareil.

[L'avion de ligne qui les emportait doit amerrir, victime d'une avarie. Tout le monde peut se sauver sur des dinghys. Celui des scouts, qui a été séparé accidentellement du convoi, porte aussi quelques Guides qui voyageaient avec eux (cf. illustration de couverture). Une nouvelle dispute éclate entre Marc et Maïko. Paul, l'ami de Maïko, intervient : ]
- J'ai une amie en France, qui s'appelle Sylvie. Mais elle, quand on évoque l'Afrique du Sud, elle en parle toujours avec éloge.
- Tu es donc allé là-bas ?
- Non ! reprend Maïko. C'est elle qui est venue.
- Tu la connais toi aussi ?
-N...on, mais Paul m'en a souvent parlé.
Voyant son trouble, les autres n'insistent pas.

Maïko pense à Sylvie. Elle lui montre la voie à suivre par l'intermédiaire de Paul. Comme ce jour où ils avaient fui ensemble à travers les hautes herbes du veld. Ne pas être séparés, c'est tout ce qui importait. Courir, courir encore, toujours plus loin mais ensemble. Les tiges jaunes de la prairie fouettaient leurs jambes. Mais ils n'en n'avaient cure, seule comptait la chaleur de cette simple amitié qu'il aurait tant aimé pouvoir retenir toutes ces dernières années. Et dans ce veld qu'il aimait tant depuis, combien de fois n'avait-il pas cherché des yeux la silhouette de son amie.

[Ils débarquent sur les côtes désertes de Kerguelen. Paul a un accident assez sérieux, et doit être transporté sur un brancard de fortune.]
Maïko prie.
"Seigneur, sors Paul de là. Pour lui, je renonce à en vouloir à ceux qui m'ont arraché Sylvie."
Il se sent prêt à dire qu'il renonce aussi à la revoir un jour. Mais les pensées se heurtent dans sa tête. Il ne peut pas.
"Non, il ne faudrait pas qu'Il me prenne au mot, s'inquiète-t-il. Ce serait terrible."
[Au matin, Paul va un peu mieux.]
Maïko sourit. Son regard s'est transformé. Plus de rancœur contre tout ce qui touche la France ou Sylvie. Paul semble aller mieux. Ils s'en sortiront, il le sait.
"Si Sylvie était là, pense-t-il. Quel bonheur ce serait !"
Il ne parvient pas à oublier cette fille blonde qui parlait avec un léger accent. Etait-elle vraiment partie ? Ne l'accompagnait-elle pas toujours dans ses pensées ?
Il était effrayé à l'idée de ne pas la reconnaître après tant d'années. Ses traits devaient bien avoir changé, mais Maïko savait qu'il la reconnaîtrait au premier coup d'œil si soudain elle apparaissait au milieu d'une foule. Que lui importait sa nouvelle image ? Seule sa présence comptait. Son rire clair résonnait encore à ses oreilles.


Chapitre VIII : LE SECRET

PAUL, aux autres (Maïko et Marc sont partis en reconnaissance). - Maïko et moi étions amis depuis longtemps, quand nous avons vu arriver en classe une petite française aux longs cheveux blonds. J'ai poussé Maïko du coude, mais il l'avait déjà aperçue, et son regard ne pouvait plus s'en détacher. À la fin de la journée, nous étions les trois meilleurs amis du monde. [...]
- Cinq années merveilleuses se sont écoulées, et notre amitié se renforçait de jour en jour. Pour Maïko, nous étions sa famille. Il nous semblait que cela durerait toujours... Hélas ! Les parents de Sylvie durent rentrer en France...
Vous connaissez Maïko. L'amitié pour lui, cela n'a jamais été n'importe quoi. C'était sacré. Il ne fallait pas y toucher. Comme chez beaucoup d'orphelins, inconsciemment, il s'est senti abandonné. Je crois qu'il rejetait le monde des adultes parce qu'il les estimait incapables de fidélité.
Une nuit il est parti voir Sylvie en cachette. Ho ! n'allez rien imaginer, Maïko est droit comme un I. Il n'a jamais été question que d'amitié entre eux ! Il l'a décidée à une fugue pour qu'on ne les sépare pas...
[Maiko et Marc.]
MAÏKO. - Tu sais, je t'ai toujours trouvé sympathique. Depuis le début, quand tu as dit que tu aimais mon prénom. Sylvie aussi l'aimait bien. C'est un peu à cause d'elle que je t'en voulais : comme je suis incapable de penser du mal d'elle, c'est sur toi que je reportais tout. Tu comprends ?
[et Maïko raconte à Marc ce que nous savons par Paul. Maïko poursuit :]
- J'ai décidé Sylvie à s'enfuir. Nous ne voulions qu'une chose : rester ensemble. Nous étions partis au hasard dans le veld... Nous nous sommes réfugiés dans des grottes. Nous nous étions organisé une vie à nous, rude peut-être, mais nous étions l'un avec l'autre. J'avais trouvé un boulot d'apprenti. Cela a duré un mois.
Sylvie la première a réalisé que c'était une folie. Moi j'étais fou à l'idée de la perdre pour toujours. [...] Elle m'a promis qu'elle reviendrait un jour.
[Sylvie a appelé ses parents, et Maïko, Paul. Fureur du père contre Maïko; Sylvie est embarquée de force.]
- Tu comprends, Sylvie, c'était mon amie, rien d'autre. Tout s'écroulait autour de moi. Plus rien n'avait d'importance, j'aurais voulu mourir. Sylvie hurlait derrière la vitre de la voiture. Paul m'a défendu [contre le père]. C'est mon seul ami, tu sais !
[Résultat : suite à la plainte du père, Maïko est placé un an en maison de correction.]
- Paul m'a aidé à supporter l'absence de Sylvie. Ma pauvre tante comprenait bien mon chagrin. Je ne pouvais plus voir un objet venant de France, sans entrer en rage. Je n'ai pas eu la moindre lettre d'elle depuis. Paul pense que ses parents l'en ont empêchée, ou qu'elle leur a promis de ne pas le faire.
- Tu penses qu'elle t'a trahi, n'est-ce pas ?



[Le petit groupe sera enfin sauvé, et rapatrié sur le Marion Dufresne directement à Port-Elisabeth, en Afrique du Sud. Retrouvailles sur le quai...]

Deux mains douces s'appliquent sur les yeux de Maïko... une voix lui murmure à l'oreille :
- Moi aussi tu sais... j'en ai assez des voyages. Bonjour mon Maïko !

Cette voix...

Il la reconnaîtrait entre mille. Il fait volte-face d'un coup. Une grande jeune fille mince aux longs cheveux blonds et au regard de jais se tient devant lui.
Elle n'a pas changé, pas vraiment. Bien sûr, ce n'est plus la fillette d'autrefois, mais l'allure générale est la même.
Il lui semble suffoquer.
- Sylvie ! Tu es revenue !
-Evidemment, répond-elle en souriant.
D'un mouvement brusque, il s'écarte et la regarde droit dans les yeux.
- Et pour combien de temps, cette fois-ci ?
Le timbre clair du rire de son amie résonne dans l'air.
- Mais pour toujours, mon Maïko. Tu n'as pas changé, éternellement fougueux et emporté. Ma famille s'installe ici.
- Fantastique ! crie Maïko, si fort que chacun les observe avec curiosité. Peu lui importe. Sylvie est de retour, il veut que cela se sache.
- Marc, il faut que je te présente Sylvie.
- Sans blague ! je n'avais pas deviné ! plaisante celui-ci.
- Sylvie, je te présente Marc, mon meilleur ami ! J'ai plein de meilleurs amis ! Je n'ai même que cela, proclame-t-il enthousiaste.

Epilogue

[Quelques années ont passé. Marc a épousé Agnès, l'une des Guides naufragées.]

- Marc ! une lettre de Maïko !... Il nous annonce les fiançailles de Sylvie avec un garçon génial nommé Dieter. Ils vont faire connaissance pendant quelques mois, et si tout va bien, ils se marieront. Sylvie a promis à Maïko qu'il serait son témoin. [...]

[quelques lignes encore, puis FIN.]