La Cigale et la Fourmi

VERSION CLASSIQUE (en vers): La cigale, ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue. Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau . Elle alla crier famine Chez la fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'août, foi d'animal, Intérêt et principal. La fourmi n'est pas prêteuse ; C'est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. Vous chantiez ? j'en suis fort aise : Et bien ! dansez maintenant. VERSION MODERNE (en prose): Tout l'été, la fourmi travaille dur dans la canicule pour construire sa maison, et préparer ses provisions pour l'hiver. La cigale, imprévoyante, pense que la fourmi est stupide; intermittente du spectacle, elle rit, chante, joue de la musique, et fait la manche aux terrasses des cafés tout l’été. L'hiver venu, la fourmi se trouve au chaud, et bien nourrie. La cigale, grelottant de froid, danse devant le buffet (... qu'elle n'a d'ailleurs pas !) . Elle tient une conférence de presse près du canal Saint-Martin : pourquoi la fourmi aurait-elle le droit d'être au chaud et bien nourrie, tandis que d'autres moins chanceux, comme elle, restent dépourvus d'abri et de nourriture ? La télévision réalise des émissions en direct montrant la fourmi en famille dans son pavillon de banlieue bien chauffé , devant une table pleine de provisions, et la cigale grelottant de froid sous sa tente, avec son bol de soupe populaire. Les gens sont choqués par ce contraste saisissant : comment, dans un pays si riche, peut-on laisser souffrir cette pauvre cigale, alors que d'autres se gobergent. Les associations contre la pauvreté manifestent devant la maison de la fourmi. Une célèbre mante religieuse, candidate aux élections, la main sur le cœur, s’offusque de la démunitude de la Cigale et de l’aisance de la Fourmi, forcément suspecte. Elle demande que l’on augmente les impôts de la Fourmi, afin qu'elle paie "sa juste part de l'effort collectif". En réponse aux sondages, le gouvernement rédige une loi sur l'égalité économique et une loi (rétroactive à l'été) d'anti-discrimination. Les impôts de la fourmi sont augmentés, et elle reçoit de plus une amende pour ne pas avoir embauché la cigale comme aide. La fourmi, n'ayant pas assez d'argent pour payer l'amende et ces impôts, doit vendre sa maison, qui est préemptée par les autorités . La fourmi quitte la France, et émigre avec succès en Belgique. La Cigale s’installe avec quelques copines dans l'ancienne maison de la fourmi, transformée en lieu de vie communautaire. La télévision fait un reportage sur cette issue heureuse d’un affreux drame social, en montrant la cigale, engraissée, en train de finir avec ses amies les dernières provisions de la fourmi, bien que le printemps soit encore loin... Ainsi devenue logement social, la maison se dégrade, car la cigale n'a rien fait pour l'entretenir. Finalement, la cigale meurt d'une surdose... Des reproches sont faits au gouvernement pour le manque de moyens et le peu de suivi des mesures prises. Une commission d'enquête est mise en place, ce qui coûtera 10 millions d'euros. Libération et L'Humanité dénoncent à la Une l'échec du gouvernement à résoudre efficacement le problème des inégalités sociales. Epilogue: La maison, maintenant abandonnée, est occupée par une bande d'araignées venant on ne sait d'où, qui s’y entassent avec leur famille. Cette population nouvelle, plutôt jeune et très dynamitque, réussit son intégration grâce à de judiciaireux trafics en tout genre, et anime un peu le voisinage, jusque là (beaucoup) trop calme : ainsi la voit-on lancer de nouvelles traditions festives, comme les soirées illuminées de feux de voitures, qui contribuent au développement de l'Industrie automobile... Les médias vantent à ce sujet la diversité culturelle de la France... FIN (?...) [D'après divers blogues]