La Cour européenne des droits de l'homme vient, à l'unanimité (!!), de condamner l'Italie pour « violation de l'article 2 du Protocole no 1 conjointement avec l'article 9 de la Convention » européenne des droits de l'homme, en raison de la présence de crucifix dans les écoles, et elle « alloue 5 000 euros à la requérante pour dommage moral ».
La requérante est une Finlandaise établie en Italie, et mariée à un médecin toscan; elle avait porté plainte en 2002, parce qu'il y avait des crucifix dans les salles de classe de ses deux enfants...
Grâce à l'Eurolande, une Finlandaise peut donc imposer sa propre conception de la « laïcité » à son pays d'accueil, si loin soit-il du sien... Et, si quelque chose déplaît à quelqu'un, allons-y vaillamment du dommage moral !
En 2005, le tribunal administratif italien avait rejeté le recours de cette femme, jugeant que le crucifix était à la fois le symbole de l'histoire et de la culture italiennes, et par conséquent de l'identité italienne. En 2006, le Conseil d'État italien avait rejeté son pourvoi, en déclarant que la Croix était un « symbole adéquat pour illustrer les fondements de nos valeurs civiques ». Elle s'était alors adressée à la Cour européenne des droits de l'homme...
De part et d'autre du Tibre, au Vatican comme dans toute l'Italie, ce jugement a suscité un tollé. Réaction de la première intéressée, Mariastella Gelmini, ministre italien de l'Éducation :
« La présence du crucifix dans les classes ne signifie pas une adhésion au catholicisme [!], mais c'est un symbole de notre tradition. L'histoire d'Italie passe aussi à travers des symboles: en les supprimant, on supprime une partie de nous-mêmes. Dans notre pays, personne ne veut imposer la religion catholique [!]. Personne, et encore moins une cour européenne idéologique, ne réussira à supprimer notre identité. Notre Constitution reconnaît en outre, justement, une valeur particulière à la religion catholique. »
Une même indignation parcourt le Vatican, qui dénonce la « myopie » des juges de Strasbourg. «Cette Europe ne sait que défendre les courges de Halloween», commente avec sarcasme le secrétaire d'État du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone. «Cette sentence nous laisse sans voix. Nous ne parvenons pas à nous l'expliquer», déclare le cardinal Giovanni Battista Re. Le préfet de la Congrégation des évêques accuse les sept juges de Strasbourg de n'avoir pas tenu compte du fait que le crucifix est «un symbole universel des valeurs qui constituent le fondement de notre identité chrétienne».
La Conférence épiscopale italienne (CEI) dit «son amertume et sa perplexité» et voit dans cette sentence une conception «partiale et idéologique».
En Italie même, de gauche à droite, y compris dans les cercles laïcs, mis à part quelques communistes bien sûr, la réprobation est unanime. Silvio Berlusconi estime cette sentence «absolument inacceptable» : «Elle nous fait douter du bon sens de l'Europe», affirme-t-il. Il la considère comme «un pas de plus vers la négation des racines chrétiennes de l'Europe ». Le nouveau chef du Parti démocrate d'opposition, Pierluigi Bersani, a pris fait et cause pour la croix : «le bon sens est victime du droit; [...] une antique tradition comme le crucifix ne fait tort à personne», estime-t-il . Quant au ministre de la Défense Ignazio La Russa, il pense que «jamais l'Italie n'appliquera la sentence».
Le gouvernement Berlusconi a immédiatement présenté un recours. « L'égalité de traitement entre les religions ne doit pas se transformer en une négation de nos racines, a lancé Mara Carfagna, ministre de l'Égalité des chances. Les vraies limitations à la liberté individuelle sont autres : je pense à la burqa ».
Le crucifix a fait son apparition dans les écoles avec l'unité de l'Italie, en 1861. En 1924 et en 1928, deux décrets royaux ont confirmé son droit d'exister dans les établissements scolaires. Au-delà du symbole religieux, les Italiens voient dans le crucifix un élément qualifiant de leur histoire, de leur culture et de leur identité nationale.
Il est cependant peu probable que l'arrêt
droit-de-l'hommard soit suivi d'effet. Il peut même renforcer ceux qui redoutent une Italie multiethnique et multiculturelle, et voient dans l'Europe une atteinte à l'identité nationale. «Nous sommes les nouveaux Croisés qui défendons l'Église catholique», a réaffirmé la Ligue du Nord de Umberto Bossi.
... Pour nous, que ce soit le moment de rappeler un couplet du cantique
Nous voulons Dieu :
Nous voulons Dieu ! dans nos écoles,
Pour qu'on enseigne à tous nos fils
Sa loi divine et Ses paroles,
Sous le regard du crucifix.
(Noter que, sur un site consacré à la musique chrétienne, Chantez'OnLine, ce couplet est soigneusement censuré !...)